Vote du 25 septembre 2005
 
 

Le OUI... qui sélectionne les migrant·e·s

C-A. Udry

Les prédicateurs de la gauche en faveur du OUI le 25 septembre ont découvert la notion juridique de «droit fondamental» (voir Le Courrier, 20 septembre 2005 [1]). Leur connaissance s'arrête malheureusement là. Ils ignorent la notion d'indivisibilité de ces droits: on ne peut séparer le droit à la libre circulation des droits sociaux et syndicaux.

Pire, ils ignorent aussi la politique officielle du gouvernement et, entre autres, celle du département (DFAE) placé sous la conduite de la «socialiste» Micheline Calmy-Rey. En août 2005, dans un document d'illustration et de défense de l'extension de l'Accord de Libre Circulation des Personnes (ALCP) aux 10 nouveaux pays de l'UE (à 25), le DFAE précise bien le but, en termes de politique migratoire, de l'élargissement de la «libre circulation» (par ailleurs complètement contingentée jusqu'en 2011 ou 2014) aux nouveaux pays de l'UE.

Ce but s'inscrit parfaitement dans la xénophobie officielle et l'utilitarisme migratoire des employeurs. Il faut évidemment lire les textes officiels, traduisant les objectifs et la pratique d'une politique gouvernementale et patronale, avant de diffuser quelques idées sur la tonalité des discours «humanistes albanais» de la belle époque.

Aujourd'hui, de tous bords, il est fait allusion à l'inacceptabilité de créer deux classes de citoyens dans les relations avec la Suisse: ceux de l'UE des 15 (qui peuvent «circuler librement»); et ceux de l'UE des 10, qui seraient «recalés» à un rang inférieur (quant au droit à la la libre circulation) en cas de NON.

D'une part, jusqu'en 2011 (ou 2014) – fin des contingentements pour les pays de l'UE des 10 – il y aura deux classes de citoyens et citoyennes par rapport à la Suisse dans l'UE à 25. Or, un nouveau vote – avec des mesures d'accompagnement plus efficientes permettant un OUI – peut avoir lieu avant la date de la fin du contingentement pour les pays de l'UE des 15, qui elle est fixée à 2007.

Par contre, deux classes de citoyens seront fermement instaurées suite à un OUI: ceux des pays de l'UE et ceux des pays tiers. Cela n'inquiète pas nos défenseurs des «droits fondamentaux». Leur dialectique casse des briques depuis longtemps.

Celle du DFAE est plus limpide et casse surtout les droits fondamentaux: «L’ALCP entre la Suisse et les 15 anciens Etats membres de l’UE est entré en vigueur le 1er juin 2002. Après deux ans et demi, la Suisse peut tirer un bilan positif. Dans l’ensemble, l’immigration a légèrement diminué ces dernières années en Suisse. On observe simultanément un déplacement sensible dans sa composition: l’immigration en provenance de pays tiers (par exemple des Balkans et de la Turquie) diminue, alors que l’immigration en provenance des Etats de l’UE augmente. Ce déplacement est conforme aux objectifs de la politique migratoire du Conseil fédéral. Les travailleurs originaires de l’UE s’intègrent facilement de manière générale. De même, ils répondent davantage aux exigences des entreprises suisses en ce qui concerne les qualifications linguistiques et techniques notamment. Ils se voient par conséquent privilégiés par l’accord sur la libre circulation des personnes. L’extension de cet accord s’inscrit dans le droit fil de cette même politique migratoire.»

A lire ce texte – que le président de l'Union patronale suisse, Rudolf Stämpfli, avait repris dans son article de «ligne» dans la NZZ du 25 août 2005 – on peut tirer une conclusion simple. Le 26 septembre, le Conseil fédéral «nous» dira: «Pour calmer les esprits, il faut adopter la LEtr (loi sur les étrangers) et la LAsi (loi sur l'asile), car elles complètent notre politique migratoire».

Alors, les partisans «à gauche» du OUI vont «menacer» le Conseil fédéral d'un référendum... après avoir épaulé sa politique pratiquement xénophobe et qui affaiblit les droits concrets des salarié·e·s suisses, immigré·e·s., et celles et ceux qui viennent ou viendront demain en Suisse pour y travailler.

Or, face à la politique «utilitariste» du patronat et face à la politique «ségrégationniste» du Conseil fédéral, c'est en liant la mobilisation pour des droits des salarié·e·s – devant se renforcer et converger à l'échelle européenne – et celle sur les lieux de travail (avec toutes les limites actuelles) que peut se forger une unité (difficile) des salarié·e·s. Et cela, face à un patronat qui, dès le 26 septembre, va enlever la couche de fard appliquée avant l'échéance des votations. Il sera facile de le tester en suivant la conclusion de la CCT (Convention collective) dans l'industrie des machines.

1. Ces 6600 signes de plus pour le OUI signent peut-être le parachèvement d'un débat équilibré selon "L'essentiel autrement"? A moins que ce ne soit pour la rédaction une façon de reconnaître que la valeur des arguments est inversément proportionnelle au nombre de signes … (AG)

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