Argentine

Pepsico Argentine

Attaque du patronat, arrogance impérialiste

par Andrea D'Atri

Dans l'usine que Pepsico Snack possède en Argentine travaillent environ 400 personnes. Les femmes représentent 70% du personnel de fabrication. Elles sont organisées en équipes qui alternent chaque semaine. Elles travaillent toute la semaine debout.

La majorité de ces femmes sont des cheffes de famille. Dans certains cas, elles sont célibataires. Dans d'autres, leurs maris grossissent les rangs de l'énorme armée de chômeurs qui augmente de manière scandaleuse dans notre pays. Ce sont des jeunes femmes qui ne passent pas seulement 8 heures devant leurs machines; elles font jusqu'au double pour avoir un salaire qui ne suffira de toute façon jamais.

Comme si cet esclavage ne suffisait pas, Pepsico a commencé au mois de janvier 2002 par licencier 70 travailleuses temporaires et en mai à mettre à la rue les 14 dernières. En l'espace de quatre mois, 130 travailleuses se sont retrouvées sans emploi, ce qui à été dénoncé par quelques délégués. Ils ont également dénoncé l'usage abusif des contrats, ce qui indique que Pepsico viole la législation du travail en vigueur dans ce pays.

Fabrique de torture

Elsa travaille dans l'emballage. La machine qui devrait fonctionner à une cadence de 80 par minute a été réglée pour une cadence de 120. Trois femmes assemblent les boîtes, les transportent jusqu'au pont et retournent assembler de nouvelles boîtes. Le même mouvement de bras pendant 8 heures avec seulement 30 minutes pour manger et aller aux toilettes. Cette routine fait souffrir Elsa: «La machine te fait travailler à fond. Des fois je suis assise par terre pour jouer avec mon fils et je ne peux plus me relever tellement mes poignets me dont souffrir à cause de la vitesse à laquelle il nous faut emballer. Ce sont 8 heures debout, sans aucun endroit où t'appuyer.»

Un jeune délégué de la fabrique me rapporte que la principale maladie dont souffrent les travailleuses est les varices. L'une d'elles a poursuivi l'entreprise et l'a obligée à couvrir les frais de son traitement. Après quoi le syndicat, avec la complicité du patronat, a retiré cette maladie de la couverture médicale.

Rosalba dit qu'elle ne supporte pas la chaleur. Les ventilateurs recyclent sans cesse le même air chaud et rance des friteuses. Incroyable mais vrai, les sièges sont en aluminium. Rappelant cette torture macabre, attribuée aux Chinois: les travailleuses de Pepsico se fatiguent debout, mais elles se brûlent si elles s'asseyent.

Julia a des ampoules aux mains. Pour elle, c'est le quotidien. Les frites se cuisent à plus de 200° et malgré le fait qu'elles travaillent avec de l'huile, l'entreprise les force à porter des gants de latex!

Après avoir congédié les travailleuses temporaires, Pepsico s'est chargé de poursuivre et de pourrir la vie des travailleuses fixes, ainsi que celle des deux délégués qui les accompagnent dans leur lutte. Aujourd'hui ils sont suspendus et dans l'usine la peur règne.

Une commission interne élue par la totalité de la fabrique, qui dénonce le plan de licenciement et se confronte ouvertement avec les syndicats [syndicat bureaucratique ayant une longue tradition de coopération avec le patronat] n'est pas acceptable, car elle contrevient aux intérêts de la multinationale. Aucune autre grande entreprise de la région de Buenos Aires n'a tenu, ces derniers temps, des assemblées de fabrique avec la participation égalitaire et démocratique des travailleuses comme chez Pepsico. Et ni les patrons, ni les bureaucrates syndicaux n'ont l'intention de tolérer cela. Par conséquent la répression sera exemplaire.

Les travailleuses et travailleurs licenciés, ainsi que les délégués syndicaux persécutés par le patronat, bénéficient de la solidarité d'avocats prestigieux, d'assemblées de quartiers de la région, de l'UITA (Union internationale des travailleurs de l'alimentation), des travailleurs et travailleuses de Zanon et de Bruckman (deux entreprises autogérées), de nombreuses commissions internes et de délégués de fabrique, de certains partis politiques de gauche ainsi que de centaines de personnes de différentes professions qui ont signé une pétition pour les soutenir.

Cependant rien de cela n'est suffisant pour faire plier la multinationale étasunienne.

Pendant que le FMI dicte à Duhalde les mesures qui doivent être prises contre les travailleuses et travailleurs et le peuple argentin, les entreprises multinationales se comportent en esclavagistes sans scrupule avec ces mêmes personnes qui à la sueur de leurs fronts leur permettent d'encaisser leurs millions.

Les masques de la multinationale

Pepsico, la compagnie qui prépare les frites, ainsi que d'autres aliments, signale sur son site Internet qu'elle favorise l'achat de ces produits aux entreprises dirigées par du personnel féminin ou d'ethnies minoritaires.

La même multinationale qui utilise le latino Chayanne pour promouvoir ses frites et l'«ethnique» Shakira pour ses boissons gazeuses, chanteuse qui ne tarit pas d'éloge pour son beau-père Fernando De La Rua. Alors que l'incapable président argentin fuyait la Casa Rosada (siège du gouvernement) à bord de son hélicoptère, devant l'impressionnante mobilisation populaire [en décembre 2001], non sans s'assurer que la répression laisserait quelques morts parmi les manifestants.

Evidement, la «politique correcte» de Pepsico n'est rien d'autre qu'une façade pour les consommateurs, derrière laquelle se cache la pire exploitation de jeunes travailleuses. Un masque de Shakira pour cacher des centaines de Julia, Elisa et Rosalba.

Mais en Argentine nous sommes fatigués du chômage, fatigués des coups, de l'arrogance des patrons et de l'impérialisme.

Alors que Pepsico continue d'augmenter ses revenus avec la complicité des syndicats, les délégués qui défendent les travailleuses sont persécutés. Pendant que Shakira danse avec Antonito (litt: petit Antoño, prénom du fils de Fernando De La Rua) à Miami et boit du Pepsi, on vole aux travailleuses de Pepsico Argentine le dernier rêve qui leur reste: travailler pour donner à manger à leurs enfants.

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